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11 mars 2011 5 11 /03 /mars /2011 17:54

MANUEL DE PHILOSOPHIE CHAMPSAURINE

(questions-réponses)

Recopié sur le site de 

 Philippe Lecourtier webmaster et initiateur du site, Robert Faure grand spécialiste de la région ( 6 livres ), Eric Bœuf qui a énormément œuvré pour les commémorations de l'Obiou, Marjorie Hoffman qui nous a transmis des photos magnifiques,  Froment Berthou ancien directeur de la colonie du Glaizil et qui nous a donné beaucoup de renseignements, et François Servel qui est originaire du Glaizil et qui a écrit plusieurs articles. Pour en savoir plus  

Cliquez ICI http://glaizil.over-blog.com/

 

 

le-berger-du-champsaur.jpgLe berger du Champsaur

 

Autrefois, nos ancêtres pouvaient trouver  dans les maximes, les sentences, les paraboles et les proverbes de leur langage local, toute une base de philosophie.  Et, en s'aidant de ce parler occitan-alpin, ils pouvaient répondre (souvent avec humour) à de multiples questions plus ou moins embarrassantes sur la manière de bien vivre en société.  

Retrouvons ces maximes (entendues, et reproduites ici en écriture phonétique) . ... Et, faisons, avec ce patois, de la philosophie... Il y a matière à méditer...

L'EXPERIENCE ?

Par exemple, que dire aux personnes âgées qui voudraient faire partager leur longue expérience à des jeunes qui s'en moquent?

« L'esperiança es un pinche que la vita voui baila quand avé plus jis de piéus ».

L'expérience n'est qu'un peigne que la vie vous donne quand vous n'avez plus de cheveux. 

...Toutefois, écoutez les quand même, les Anciens : « Aquèou que n'a pas de viouts, n'achati »!

Celui qui n'a pas de vieux, il faudrait qu'il en achète! 

LA PERSONNALITE?

Comment reconnaître un Champsaurin? C'est quelqu'un qui est, avant tout, épris de liberté, qui veut être son maître et qui accepte difficilement les contraintes :

  

costumes-du-champsaur.jpgcostumes du Champsaur 

« Eici, dins aqueou bèou Tchansaou ounte chascun neisse soun mèstre ».

C'est ici dans ce beau Champsaur que chacun naît et reste son maître. 

L'AMOUR DU PAYS?

Aimer son Champsaur, c'est quelque chose de tout à fait normal. Foin des critiques!

« Chasque ousseou troba soun nis beou ».

Tout oiseau trouve son nid beau! 

LES DECISIONS A PRENDRE ?

Quand on est Champsaurin, comment, dans les moments délicats de la vie, trouver l'équilibre, la sérénité?

« Quant sabès pas ounte vas, regarda d'ounte vènes ».

Quand tu ne sais pas où tu vas, regarde d'où tu viens. 

LE BON SENS?

Tout au long de l'existence, il faut et il faudra souvent faire appel à son bon sens, un bon sens paysan. Malheureusement:

« Lou bouon sens s'apren pas dinc oun libri. »

Le bon sens ne s’apprend pas dans un livre. 

LE SAVOIR?

L'éducation est indispensable. Ceux qui savent en imposent et impressionnent. Toutefois:

« Si la barba baiava lou sen, les chabras sarien sabentas ».

Si le savoir se jugeait à la barbe, toutes les chèvres seraient savantes. 

LE MARIAGE ?

Faut-il se marier ou rester célibataire?

« Lou mariage ès coum'un jarinier, aqueles que sount dedinc voudrien estre defouore, et aqueles que sount defouore amarien ben estre dedinc »

Le mariage, c'est comme un poulailler, ceux qui sont dedans voudraient en sortir et ceux qui sont dehors voudraient bien y entrer. 

LES FEMMES ?

Un peu misogynes les Champsaurins?

« Très chousas duont tsaou se mefiar : d 'una vacha, dei devant,d'una mioure dei darer ,de fènas de tout caïre » .

Trois choses dont il faut se méfier : d'une vache par devant, d'une mule par derrière, et des femmes de tous les cotés. 

LES FEMMES JEUNES ?

Elles sont tentantes, les femmes jeunes, mais attention si l'on veut les épouser :

« Fenna jouva, bouosc verd, pan tendre fan marri gouvert ».

Femme jeune, bois vert, pain frais ne sont pas faciles à gérer. 

LES PREFEREES ?

Où trouver la femme de sa vie?

« Tsaou bastir me les piarres dou pays ».

Il faut bâtir avec les pierres de son pays. 

L'EPOUSE ?

Est ce vrai?

« Les omés voudrien que les fenas seyi couma l'armana : que changié tous les ans ».

Les hommes voudraient que les femmes soient comme l'almanach : que l'on change tous les ans. 

LE COUPLE

Qui dirige dans le couple?

« A meisoun, es ièu que coummandou...quand ma fenna li'pas ».

A la maison, c'est moi qui commande...quand ma femme n'y est pas. 

LA FAMILLE NOMBREUSE ?

« Una filla, dzis de fillas, Dous fillas, prou de fillas, Très fillas, trop de fillas, Quatre fillas, e la maîre :

Cinq diables après lou paîre »!

Une fille, point de fille Deux filles, assez de filles Trois filles, trop de filles Quatre filles et la mère : cinq diables après le père! 

 LES ENFANTS ?

Apportent-ils des satisfactions?

« Meinas petchous fan fouletian, quant soun grants, fan enrabiar ».

Les enfants, petits vous font plaisir, quand ils sont grands, ils vous contrarient. 

...et « Petchos meinas, petchos soucis, gros meinas, gros soucis ».

Petits enfants, petits soucis, grands enfants, grands soucis. 

 L'AMOUR MATERNEL?

Une mère peut elle être déçue par ses enfants? Même si, un jour, elle ne peut plus espérer grande affection :

« Pr'una maïre, lou menassou a beou creïsse, s'arresta toudjout à la houtour de soun cur ».

Pour une mère, l'enfant à beau grandir, il s'arrête toujours à la hauteur de son coeur. 

 LE GENDRE ET LA BRU ?

Quand les enfants se marient, les relations changent. Les deux familles doivent avoir la volonté de partager, sinon :

« Aquèou que trobe un bouon gindré gagna un fils, aquèou que trobe un mari gindré perda una filha ».

Celui qui trouve un bon gendre gagne un fils, celui qui trouve un mauvais gendre perd une fille. 

 LE CARACTERE DES ENFANTS ?

Peut on changer le caractère  d'un enfant? Impossible:

« Qui neisse pounchu, pouo pas murir carra ».

Celui qui naît pointu ne peut pas mourir carré. 

LES SECRETS DE FAMILLE ?

Dans un ménage, faut-il tout avouer?

 


veillee-copie-1.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

préparation de la veillée 

 

« Jamai l'ome sage e discret dis à sa fenna soun secret ».

Jamais l'homme sage et discret ne dit à sa femme son secret. 

L'ECOLE ?

A quoi ça sert d'aller à l'école? Pour se remplir la tête? Pour trouver l'équilibre? Sans doute , car :

« Sacha trànsi tèn pas drech ».

Un sac vide ne tient pas droit. 

L'EDUCATION ?

Une bonne éducation doit être sévère. Les enfants en seront reconnaissants plus tard. L'enfant n'a pas droit à tous les caprices:

« Chaou dounar lou plec à l' aubre tant qu'es jouve ».

Il faut donner le pli à l'arbre tant qu'il est jeune. 

LES INEGALITES ?

La pure égalité n'existe pas. Les enfants découvrent très vite les différences. Naissent ils dans une famille pauvre? Naissent ils dans une famille riche? Certains, au départ,  sont plus favorisés que d'autres :

« Hourous meinas qu'es nessu après soun païre ».

Heureux enfant qui est né après son père! 

LA PROPRETE ?

Propreté physique vaut propreté morale. Les écoliers doivent se tenir propres :

« Si té laves pas les oureillas, il plantaren de chaus ».

Si tu ne te laves pas les oreilles, on y plantera des choux. 

...et

« Si te laïsses pas penchinar, les pèuch fan la cheina et te tirassent au Draou ».

Si tu ne te laisses pas coiffer, les poux vont faire la chaîne pour te trainer au Drac. 

LES ENVIES ?

Comment calmer les envies gourmandes? Réponse impitoyable à ceux qui se plaignent:

« As fan? Mandja ta man, garda l'aoutre per deman ».

Tu as faim ? Mange ta main, garde l'autre pour demain. 

LES MALADRESSES ?

Apprendre la vie n'est pas toujours facile. Il y a des actes trop bêtes dont il vaut mieux s'abstenir :

« Qui vouo esse mourdu, que prèni lou chi pre la couo ».

Qui veut être mordu, qu'il prenne le chien par la queue! 

...Toutefois:

« Tot chi que japa morde pas ».

Tout chien qui jappe ne mord pas. 

L'AUDACE ?

Il ne faut pas avoir peur de tout, et savoir qu'on peut parfois facilement se faire respecter:

   

un-peu-de-neige.jpgIl y a un peu de neige ! 

« Petchot bastoun faï courre grant aze ».

Un petit bâton peut faire courir un grand âne. 

LE CELIBAT?

Faut il se désespérer quand on reste trop longtemps célibataire, ou doit-on garder un petit espoir? Tout peut arriver:

« Qui resto a mariar, resto pas a enterrar »

 Celui qui reste à marier ne reste pas à enterrer. 

LES FREQUENTATIONS?

Qui sera responsable s'il y a des pépins? Avertissement entre voisins:

« N'aï que de jaous, vesi, garda tes jarines ».

Je n'ai que des coqs (que des garçons), voisin, garde tes poules (tes filles). 

...Car:

« Quant la chabra es au bouisson chaou que il broti »

Quand la chèvre est au buisson, faut qu'elle broute. 

L'EMIGRATION?

Faut-il tenter l'aventure ailleurs. Faut-il émigrer? Partout, il y a une part de risque:


  

l-aigle.jpg

 

 

 

 

 

 

 

L'aigle ne chasse pas les mouches. 

Aquèou que passa lou mourre sabe pas ço qué l'espera ».

Celui qui passe le col ne sait pas ce qui l'attend ». 

LES RECOMMANDATIONS?

Avant de se décider, mieux vaut écouter ceux qui ont de l'expérience, et qui peuvent prévoir les déconvenues:

« Quant la rispa bofa sur Manse, faï marri estre par chamins ».

Quand la bise souffle sur Manse, il fait mauvais être par les chemins. 

L'AMBITION ?

Savoir ce que l'on veut. Ne pas se dévaloriser. Viser haut :

« L'agla chassa pas las moïssas ».

L'aigle ne chasse pas les mouches. 

...et avoir de l'audace:

« Jamai pieu de chabra n'a etrangla loup ».

Jamais un poil de chèvre n'a étranglé un loup. 

LA PRETENTION?

Attention à ne pas se prendre pour plus que ce que l'on est. Gare aux prétentieux :

« Saou pas petar plus aut que soun cuou ».

Il ne faut pas péter plus haut que le trou de son cul. 

LES EXIGENCES?

Il est bon d'avoir des exigences, mais il ne faut pas pousser trop loin:

« Ou plus sale es lou pouorc, ou pus propre vouar manjar. »

Plus sale est le porc, plus propre il veut manger. 

 

LES DIFFERENCES?

On n'a pas tous les mêmes goûts. Et ce n'est pas, parce qu'on a des idées originales, qu'on a tort:

« Es pas bèou ce qu'ès bèou, es bèou ce que me plai ».

N'est pas beau ce qui est prétendu beau, ce qui est beau, c'est ce qui me plait. 

...De même il faut s'accepter comme on est, ça n'empêche pas d'avoir sa place dans la vie :

« L'y a djis de vergougne pr'ouna passoire d'esse trouca ».

Il n'y a pas de honte pour une passoire d'être trouée. 

LA PATIENCE ?

Ne pas sauter les étapes, ne pas être brûlant d'impatience, monter les barreaux de l'échelle, les uns après les autres :

« Chau partir d'à pas pèr arribar just ».

Il faut partir pas à pas pour arriver à temps. 

un-autre-berger.jpg  un autre berger 

LA PERFECTION ?

Pour viser vers la perfection, surtout ne pas bâcler son travail:

« A obra bien facha, se regarda pas lou tems ».

A travail bien fait, on ne regarde pas le temps passé. 

L'EFFICACITE?

Mieux vaut être efficace quand on a une responsabilité et  être, si possible, le meilleur dans sa spécialité :

« Tant vaou lou pastre, tant vaou l'escabouot».

Tant vaut le berger, tant vaut le troupeau. 

LES BONS CHOIX ?

Une bonne orientation est importante. On doit avoir un but précis :

 


 l-exode.jpgl’exode vers le Nouveau Monde

« S'agis pas que de courre, chaou saoupre ounte l'on vaï ».

Il ne suffit pas de courir, il faut savoir où l'on va. 

...Et

« Chau pas marchar per dos chamins ».

Faut pas vouloir suivre deux chemins à la fois. 

LES BONNES RESOLUTIONS?

On peut prendre de bonnes résolutions, mais saura t' on on les tenir?

« Las bonnas resolutions son coma las anguillas, aïsa de prenes, maoouaisas a tenar ».

Les bonnes résolutions sont comme les anguilles : faciles à prendre, difficiles à tenir ». 

LES PLAISIRS ?

Gare à ne pas trop s'étourdir dans les plaisirs:

« Qui dans, pauc avança ».

Celui qui passe son temps à danser n'avancera pas beaucoup. 

LES ECOEUREMENTS?

Ceux qui ont trop de tout deviennent difficiles et, finalement, ils n'apprécient plus rien : 

« Quant los caiouns son cofles, trobon las cerisas amaras ».

Quand les porcelets ont le ventre plein, ils trouvent les cerises amères. 

L'AVENTURE ?

On peut se laisser tenter par l'aventure, mais:

« Qui vaï à l'aventura , vaï pas à la secura ».

Qui va à l'aventure ne va pas vers la sécurité. 

 

place.jpg 

Place du village

...Et il faudra s'adapter:

« En chandjant de village, chandgen de lenguage. »

En changeant de village, on change de langage. 

...L'essentiel:

« Pr'aver de bouon aïga, chaou anar a bouona sourça ».

Pour avoir de la bonne eau, faut aller à la bonne source. 

LA REFLEXION?

Peut on satisfaire toutes ses envies?

« N'es pas tout d'achetar, chaou pis pagar ».

Il ne suffit pas d'acheter, il faut aussi payer. 

LES DETTES?

Il vaut mieux réfléchir avant de trop dépenser car :

« Cent ans de chagrin payon pas oun sou de dettes ».

Cent ans de chagrin ne paient pas un sou de dettes ». 

AVOCATS ET NOTAIRES?

Mieux vaut éviter les procès et les problèmes d'héritages. On peut se ruiner:

« Vaou mis abeurar oun clapier qu'oun notari »

Il vaut mieux arroser un tas de pierres qu'un notaire. 

LES INSTABLES ?

Sans situation, sans domicile, c'est souvent l'errance:

« Qui navigue, mandigue ».

Qui navigue mendie ...et mange à tous les râteliers. 

...Attention car:

« Misera tirassa lagne ».

La misère amène le chagrin. 

LE VOISINAGE ?

L'importance d'un bon voisinage :

 « Qui a bouon vesin a bouon matin ».

Celui qui a un bon voisin a un bon matin ». 

...Mais attention :

« Chaou qu'un poum puri pèr purir les aoutres ».

Il suffit d'une pomme pourrie pour pourrir toutes les autres . 

LES PLACEMENTS ?

Comment choisir l'essentiel?

« Vaou mis aver amis en plaça qu'argent en boursa ».

Mieux vaut avoir de bons amis que de l'argent en bourse. 

LES BONNES OCCASIONS?

Les bonnes occasions se présentent parfois, mais il faut en profiter au bon moment, ne pas se tromper et ne pas les laisser passer :

« La fiare es encui, pas dema. »

La foire, c'est aujourd'hui, pas demain. 

...De même:

« Aqueou qu 'arriba tart a taula li trapa que d'os ».

Celui qui arrive en retard au repas ne trouvera que des os. 

...ou encore:

« Quant l'on se creï lou benvengu, l'on ei souvent lou maou reçu ».

Quand l'on se croit le bienvenu, on est souvent le mal reçu. 

LA RICHESSE?

Malheureusement, on constate souvent que la fortune favorise les riches :

« La peiro toumba au clapié ».

La pierre va toujours au « clapier ». 

...Toutefois on a l'impression qu'il n'est pas bon d'étaler sa fortune:

« Chi montra sei sous montra soun cuou ».

Qui montre ses sous montre son cul. 

LE MINIMUM?

Il suffit parfois de peu de choses pour apprécier le bonheur:

« Si sian paouri, sian hourous, l'ia d'affayaus din l'oura».

On est pauvres et pourtant on est heureux : il y a des haricots dans la marmite. 

LA DESCENDANCE ?

Les fils ne ressemblent pas toujours aux pères. Donc, faut il laisser un gros héritage à ses héritiers? Il arrive que:

« Après oun ramassaïre vin oun dégalaïre ».

Après un amasseur vient un dilapideur. 

LES MEDISANCES ?

Toutes les paroles ne sont pas toujours bonnes à dire, et elles risquent de coûter cher :

« Souvent peira reboustia sus qui l'a manda ».

Souvent la pierre rebondit sur celui qui l'a lancée. 

LES VANITEUX?

Il ne faut pas se laisser impressionner par ceux qui veulent vous en mettre plein la figure:

« Aqueou que fai trop de possière s'estofa ».

Celui qui fait trop de poussière finit par s'étouffer. 

LE BAVARDAGE ?

Parfois, on perd plus qu'on ne gagne en voulant être trop bavard :

« Touta fié que bezèle perda una goura ».

Toute brebis qui bêle perd une bouchée. 

...Et pourtant:

« S'empacha paï maï lei lengas de parlar que l'aïga de courre e lou vent de bouffar ».

On ne peut pas plus empêcher les langues de parler que l'eau de courir et le vent de souffler. 

LES MECHANCETES ?

Faut il parfois tenir sa langue?

« Un cop de lenga faï maï qu'un cop de pung ».

Un coup de langue fait plus de mal qu'un coup de poing. 

LE MENSONGE ?

Peut on parfois mentir? Oui, on peut parfois mentir, par délicatesse, pour protéger:

« Ouno messounjo ben dicho vaou meï qu'ouna verita estrassa ».

Un mensonge bien dit vaut mieux qu'une vérité mal exprimée. 

LE PARTAGE?

Faut il tout garder pour soi ou faut, par solidarité, avoir le sens du partage:

« Aqueou qu'a de ben ,chaou que n'en perdie ».

Celui qui a du bien, il faut qu'il en perde... (Qu’il en donne.) 

LE BRAVE?

Dans le Champsaur,  on dit d'un être qui est particulièrement gentil qu'il est brave. Mais on doit  parfois mesurer jusqu'où peut aller la gentillesse. On peut être un garçon bien brave... mais il ne faut être ni niais ni soumis:

« D'estre trop brave, seras l'ase ».

Si tu es trop brave, tu ne seras qu'un âne. 

LA DIGNITE ?

Comment, pour rester digne, réagir dans les épreuves? La solution:

« Chaou rire à la fenestre, e plourar darier la pouerta ».

Il faut rire à la fenêtre et pleurer derrière la porte. 

LES COMPLIMENTS ?

Ne pas être avare de compliments d'autant plus que :

« Li a ren de tant bouon marcha que les coumpliments ».

Il n'y a rien de meilleur marché que les compliments. 

LA PARESSE ?

Si l'on ne fait pas des efforts, on n'a aucun résultat, et c'est normal :

« Aquèou que vouo pas se bagnar aganta gis de peissou ».

Celui qui ne veut pas se mouiller n'attrapera jamais de poisson.

 LA COLERE?

La grosse colère ne mène à rien:

« Qui cracha au cièou, su lou nas il toumba ».

Celui qui crache au ciel reçoit tout sur le nez. 

LES AIDES ?

En cas de difficulté, en cas de besoin où trouver des appuis ?

« Si siès dins lou besoun, vaï eï lou paure, maï jamaï veï lou riche ».

Si tu es dans le besoin va voir le pauvre, mais jamais le riche. 

LA SOLIDARITE ?

Dans nos montagnes, il faut s'entraider, tout le monde y trouve son compte:

 ''quant chascu s'adjua, dégun se tua ».

Quand tout le monde s'aide, personne ne se tue au travail. 

L'EGOISME?

Il ne faut pas toujours compter sur les autres pour accomplir les sales besognes. Le repli sur soi enferme. Il ne permet pas d'aller vers les autres, ni aux autres de venir vers vous. Alors?

« Chaou prendre la pela per faïre chala ».

Il faut prendre la pelle pour faire la trace. 

LA MODERATION?

On doit se modérer dans nos exigences, se fixer une limite et savoir être raisonnable:

« Per pas trop n'en perdre, n'i ai pas trop demandar ».

Pour ne pas trop en perdre, il ne faut pas trop demander. 

LES CONCESSIONS ?

Pas toujours facile de faire des concessions :

« Aver tort ès ouna marié bestia, dengu vouo l'aver ».

Avoir tort est une mauvaise bête, personne ne veut l'avoir. 

...Toutefois :

« Lei garoulhas durarrien gaïre si lou tort ère que d'oun caïre ».

Les querelles ne dureraient pas longtemps si les torts n'étaient que d'un coté. 

LES CONTESTATIONS?

La critique est elle toujours utile?

« Mefia te des constristaïres, trapoun jamaï ren pre il plaïre ».

Méfie toi des contestataires, ils ne trouvent jamais rien pour leur plaire. 

PREVOIR L'AVENIR ?

Il y a toujours des indices qui laissent deviner ce qui va arriver :

« Lou petar announça lou cagar ».

Lou petar (le bruit des disputes ) annonce lou cagar ( la bagarre ). 

...ou, entendu en 1939 :

Lou petar (le bruit du canon) annonce lou cagar ( la guerre ). 

LE BON CHOIX?

Quand on doit prendre une décision, bien étudier les différentes propositions pour choisir la bonne, même si elle comporte quelques désagréments.

« Vaou mis se trapar sous oun pissaïre que sous oun pouaïre ».

Il vaut mieux se trouver sous  quelqu'un qui urine que dessous un homme qui coupe les branches d'un arbre. 

LA CREATIVITE?

Etre créatif. Ne pas, toujours, ne faire que ce que font les autres. Oser l'originalité, même si, parfois, elle choque. Agir à sa manière, si l'on est sur de soi, en dépit des critiques :

« A chascun soun biais de se tria les nières ».

A chacun sa manière de se trier les puces! 

LA VRAIE MATURITE ?

Souvent une longue patience est nécessaire avant de trouver la réussite, mais le bonheur n'est jamais total :

« Souvent quant aven de pa, aven plus de dent ».

Souvent le bon pain arrive quand on n'a plus de dents. 

LES MALHEURS ?

Pour qui que ce soit, la vie n'est pas faite que de bonheurs:

  « Tot lou monde a sa crotz. Aqueou que la pas encora la trobara ».

Tout le monde a sa croix. Celui qui ne l'a pas encore la trouvera. 

LES REGRETS ?

Pas toujours facile de comprendre l'humeur des gens. Si vous les psychanalysez,

 « Les omès an toujout oun ubac que jamaï soreilha ».

Les hommes ont toujours un ubac qui ne s'ensoleille jamais. 

LA DESTINEE?

On ne sait rien de l'avenir et pourtant certains destins sont inévitables:

 « Couré, couré, arribarès pas a Pasquès d'avan que ièou ».

Cours, cours, tu n'arriveras pas à Pâques avant moi ». 

L'INATTENDU ?

Tout, même le pire,  peut, un jour, arriver sans qu'on s'y attende:

« Dièou punis tart, mais punis larc ».

Dieu punit tard, mais punit large. 

LES SAUVEGARDES ?

Il faut toujours espérer et tout faire pour s'en sortir :

« Arrapa te a l'herba si voles subreviure ».

Accroche-toi à l'herbe si tu veux survivre.

 LA DUREE ?

Ne pas désespérer si la vie vous a traumatisé :

« Es lo tipe lou maï enclusat que dura lou maï ».

C'est la personne la plus cabossée qui dure le mieux. 

LA VIEILLESSE ?

Comment se consoler du temps qui passe et garder une part de bonheur?

« Vi vieil, ami vieil et libres vieils fan d'urous in tou lieuc ».

Du vin vieux, un vieil ami, et des vieux livres font partout des heureux. 

LE TESTAMENT ?

Les Champsaurins sont plutôt de nature méfiante tout en étant prévoyants :

« Chaou pas se debrayar trop lèou avant d'anar se couédjar ».

Il ne faut pas se déshabiller trop tôt avant d'aller se coucher : 

(iI ne faut pas donner trop vite tous ses biens avant de mourir). 

L'ESPERANCE ?

Ne demandons pas tout, et, (comme dans la pierre écrite des Veyers) , gardons l'espérance :

« Diéou nous fassi la graça de veire l'an que ven, et si sian paï maï, qué seguessian paï mens ».

Que Dieu nous fasse la grâce de voir la nouvelle année et, si l'on n'est pas plus...que l'on ne soit pas moins!

 

Recopié d'après le site de http://glaizil.over-blog.com

 Philippe Lecourtier webmaster et initiateur du site, Robert Faure grand spécialiste de la région ( 6 livres ), Eric Bœuf qui a énormément œuvré pour les commémorations de l'Obiou, Marjorie Hoffman qui nous a transmis des photos magnifiques,  Froment Berthou ancien directeur de la colonie du Glaizil et qui nous a donné beaucoup de renseignements, et François Servel qui est originaire du Glaizil et qui a écrit plusieurs articles. Pour en savoir plus  

Cliquez ICI http://glaizil.over-blog.com/

 


Pourquoi cet article ?

Parce que 30% des ancêtres des MARTIN-ARNAUD-ARNAUDON-GIROUSSE- REYNAUD, ‘viennent’ du CHAMPSAUR, et nous avons une pensée émue pour ces pauvres gens amoureux du terroir et attachés à leur terre. 

 

FIN

 

 

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11 mars 2011 5 11 /03 /mars /2011 17:07

 

CHAIX-Michel (1888-1904) : l'épopée américaine
 


 

L'article qui suit est le résultat d'une longue enquête qui a duré plus d'une année. Avant toute chose, merci infiniment à Steve Totheroh qui a patiemment et à plusieurs reprises visité de nombreux dépôts d'archives à Oakland, Alameda et San Francisco. Sans lui, les informations qui suivent dormiraient encore dans de vieux livres poussiéreux.

Source : merci à GénéProvence - 2011 - 10ème année

pour vous connecter sur leur site : http://www.geneprovence.com

 

 

L'histoire débute en 1888. Sur l'acte de naissance de Pierre Auguste Michel, on lit que son père, Pierre Michel, de Rabou, est parti pour l'Amérique !

Celui-ci vivait jusqu'alors à Rabou (Hautes-Alpes), là d'où venaient tous ses ancêtres.
Difficile avec ces seuls renseignements de déterminer la cause de ce départ et encore moins de reconstituer l'histoire de son émigration sur le sol américain, d'en retrouver la trace, les lieux où il est passé.


Heureusement, les Archives conservent cette histoire et il suffit de les dépouiller pour avoir une explication. Il se trouve que Pierre Michel n'a pas été le seul de sa famille à émigrer aux États-Unis. Sa fille Marie Michel l'a suivi quelques années plus tard, accompagnée de son mari, Léon Chaix, et du frère de celui-ci, Auguste Fidèle Chaix. Aujourd'hui, après les recherches menées pour une bonne part grâce à l'internet, mais aussi par le dévouement amical de M. Steve Totheroh, nous sommes capables de reconstituer une partie conséquente de l'histoire de cette famille américaine qui émigra, nous le verrons, en Californie dès la fin du XIXe siècle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Enfants des Alpes.

  Le samedi 28 août 1847, Joseph Urbain Michel (1823-1880) et Marianne Marin (1823-1895) donnent naissance à un garçon qu'ils prénomment Pierre. Celui-ci vit toute son enfance à La Rivière, un petit groupe de maisons situé à quelques centaines de mètres au nord de Rabou, petit village des Hautes-Alpes, et, sur les traces de son père, se destine au métier de cultivateur, fréquent dans la région. Le 16 février 1876, à Rabou, il épouse Marie Rosalie Victoire Marcellin-Gros, que tous prénomment simplement Rosalie.
Il a entendu parler, certainement, de plusieurs personnes de la région qui, il y a quelques années, sont parties pour les Etats-Unis dans l'espoir d'y faire fortune. Le premier Chaix à avoir posé les pieds sur le continent américain n'est pas facile à identifier. On sait par le recensement de 1880 qu'une Céline Chaix vivait à Saint-Charles (Louisiane) où elle était née en 1811. Or, ses deux parents étaient nés eux aussi, selon toute vraisemblance, en Louisiane. En Californie, par contre, l'implantation est plus récente. La plus ancienne naissance d'un Chaix dans cette région remonte à 1862 (il s'agit de Lizzie Chaix, dont le père était né au Mexique).
Le point de chute de nos Chaix est donc la Californie, alors connue pour sa "Ruée vers l'Or". Citons aussi le couple Chaix-Berrard, marié le 23 mai 1882 à San Francisco et dont naîtra Émile le 7 juin 1883*. Un couple Chaix-Pauchon avait aussi émigré en Californie (Pauchon est un patronyme de Rabou).


L'Amérique ! En 1888, c'est décidé, Pierre tente sa chance. Il a alors près de quarante ans. Son père est décédé depuis huit ans, sa mère a 65 ans. Ils sont plusieurs à Rabou à se préparer à l'aventure. Mais il partira sans sa femme Rosalie. Pour quelle raison ? Difficile à dire. Le fait qu'elle soit enceinte l'a-t-elle fait reculer ? On peut en tout cas le penser. Le 12 septembre de cette année, elle donne naissance à un petit Pierre Auguste, qui ne verra jamais son père. Celui-ci est déjà en Amérique. Divers éléments permettent de reconstituer son itinéraire. Sa femme ne le rejoignit jamais en Californie. Nous pensions au départ que c'était parce qu'il avait dû mourir tôt. Mais, après de nouvelles découvertes, il apparaît qu'il était encore vivant le 18 avril 1910 (il figure alors sur le recensement). L'aventure n'a probablement pas tenté Rosalie, à moins que Pierre lui ait demandé de ne pas venir, ayant refait sa vie; supposition gratuite bien entendu.
La destination de Pierre, après son arrivée, est, elle, certaine. C'est l'Ouest sauvage, la Californie, et plus précisément la ville d'Alameda. Les archives de la ville attestent qu'en 1903 et 1904, Pierre était jardinier (gardener) à Alameda. Il vivait au 2122, San José Avenue.
Comme on l'a dit, Pierre figure sur les archives du recensement en 1910. On apprend de ce recensement qu'il vivait alors à Oakland, non loin d'Alameda, qu'il avait soixante ans (en réalité, il en avait alors 63) et qu'il ne possédait pas la nationalité américaine. Il semble qu'il parlait mal l'anglais, car on indique qu'il parlait seulement le français, il savait lire et écrire. En outre, si sa profession n'était pas indiquée, il bénéficiait d'un own income, c'est-à-dire qu'il travaillait à son compte, peut-être toujours comme jardinier.
Il existait à cette époque une autre communauté de Chaix en Californie à Napa, à environ trente kilomètres au nord-est de San Francisco, aujourd'hui connue pour son industrie viticole. De 1886 à 1901, au moins dix enfants portant le patronyme Chaix y virent le jour**. Cette notion de communauté est essentielle à la bonne compréhension du mode de vie des Champsaurins émigrés. Un esprit de solidarité, maintenu vivace au moins jusqu'à la Grande Guerre, prévalait parmi tous les membres. Louis-Lucien Borel, de la Plaine-de-Chabottes (Hautes-Alpes), émigré au début du XXe siècle, relate bien ce sentiment qui existait alors: "Ma décision de rester là-bas découlait surtout du fait qu'il existait une colonie champsaurine dans laquelle régnait un bel esprit d'entraide, de fraternité... Pas question de croc en jambe ou de souhaiter que son voisin ait moins de réussite que vous. (...) Il faut dire que cette fraternité était imposée par les dangers de toutes sortes (...). Il y avait l'ours, le coyote, le crotale. Mais aussi les propriétaires peu scrupuleux qui avaient tendance à mordre dans les pâturages pour lesquels on payait une redevance à l'Etat... Il y avait aussi la sécheresse, la mévente du bétail. Dans ces conditions, l'union, c'était le meilleur remède." (Le Western Champsaurin, chap. LXXXII, F. et M. Barès, Gap, 1981)

Autres venues. Dans le même temps, d'autres à Rabou nourrissent le même projet d'émigration. Les lettres venues d'Amérique doivent être suffisamment encourageantes pour inciter d'autres Gapençais à tenter l'aventure. Lorsque Pierre est parti, le jeune Léon Louis Chaix a à peine 12 ans. Fils de Louis Philippe Chaix, orphelin de mère (Marie Philomène Céard est morte alors qu'il n'avait que 10 ans), il naît le 15 juillet 1876 et grandit dans le village de Montgardin. Il rencontre un jour la fille de Pierre Michel, Marie, bien plus jeune que lui, puisque née le 7 août 1885. Lorsque son père a quitté la France, elle a moins de 3 ans ! On l'imagine élevée dans le souvenir de ce père dont elle n'a probablement aucun souvenir. Lorsque Léon et Marie deviennent époux, ils se décident à partir pour Alameda...
Le rôle du couple Chaix-Bérard, établi à Alameda, a de toute évidence été prépondérant dans la venue de Pierre Michel en Californie. D'une manière ou d'une autre, il est certain que les deux familles étaient liées avant leur départ vers les Etats-Unis. Par M. Totheroh, on sait que deux sœurs, Mathilde Marie Scholastique Bérard et Marie Philomène Bérard, nées dans les Alpes vers 1860, étaient parties en Amérique où elles épousèrent deux frères français, nés aussi en France, Alexandre Chaix, le 23 mai 1882, à San Francisco, pour la première, et Virgile Chaix, sans doute peu avant, pour la seconde. Ils vécurent le reste de leur vie dans le comté d'Alameda (non loin de San Francisco). Alexandre mourut en 1906, dix-huit ans après l'arrivée de Pierre à Alameda.

 


Départ du couple Chaix.

Les époux ne partent pas ensemble. La raison, comme autrefois dans le cas de Pierre Michel, c'est que Marie est enceinte et qu'elle va donner naissance à une petite Yvonne. Peu de temps avant, une première fille était née dans la famille, portant le prénom de Marcelle. C'est Léon qui, le premier, embarque au port du Havre. Après un voyage en train (le chemin de fer a atteint les Alpes en 1884), il arrive dans le nord de la France où il embarque sur le Lorraine, le 13 août 1904. C'est un paquebot construit par la Compagnie Générale Transatlantique en 1899. 11146 tonnes brutes, vapeur triple des moteurs d'expansion, vitesse de service 21 nœuds. 1114 passagers (446 premières classes, 116 deuxièmes classes, 552 troisièmes classe). Ce paquebot servit de croiseur marchand armé lors de la Grande Guerre et reprit la liaison Le Havre-New York en 1919. La liste des passagers laisse voir une grande majorité d'Italiens avec lesquels Léon fera le voyage. Il a douze dollars en poche et s'est payé lui-même le voyage.
Le 20 août 1904, un temps chaud l'accueille à New York. L'arrivée des immigrants, depuis 1892, se fait à Ellis Island (New York)***. On estime qu'en une quarantaine d'années, 17 millions de personnes sont passées par ce port. Il est probable que Léon ait alors pris la direction de la Californie. Il arrive à Alameda, chez Pierre Michel, reste peut-être quelques semaines chez lui, mais trouve rapidement une demeure à Oakland, la cité voisine (524, SeventhStreet).
Cinq mois plus tard, le 21 janvier 1905, sa femme, Marie, embarque à bord du Champagne. Le 30 janvier 1905, elle arrive à Ellis Island. Elle fait le voyage avec François Chevalier, un horticulteur Gapençais, de cinq ans son aîné, qui, une fois arrivé, prendra la direction de Los Angeles. Elle a vingt dollars en poche, c'est son mari qui lui a payé son voyage. Ses deux filles, Marcelle et Yvonne, qui sont encore des bébés, sont restées au pays, probablement confiées aux soins de leur grand-mère, Rosalie, qui sait maintenant qu'elle ne rejoindra pas son mari Pierre. Léon vient l'y attendre et tous deux partent vers l'Ouest.
Les archives d'Oakland relatent dès lors très précisément leur niveau de vie. Dès 1905, Léon travaille dans une blanchisserie d'Oakland, avec un certain J. D. Palu, probablement le propriétaire de l'établissement. Cette activité dans la blanchisserie va désormais impliquer toute la famille et être le garant de leur réussite en Amérique. En 1906, Marie travaille pour Z. Delmas. Qui est-ce? Impossible à dire. Est-ce aussi le responsable d'une entreprise de blanchisserie?
Dès 1907 néanmoins, Léon et Marie travaillent comme laundry worker (travailleurs de blanchisserie) et non plus comme employee (employés). Tout porte à croire qu'ils viennent de fonder une compagnie de blanchisserie. Son nom? La Lace French Laundry. Pas de doute, la réussite vient de frapper à leur porte. On remarquera toutefois que la maison qu'ils habitent sur Fifth Street, à Oakland, est une location. Les années qui suivent seront consacrées au travail, les enfants viendront plus tard.
Pour quelle raison les Chaix ont-ils été poussés à travailler dans une blanchisserie ? Il semble que de nombreux Français, et particulièrement des Champsaurins, ont travaillé dans cette industrie, ce qui tend à tordre le cou à l'idée qui veut que ce secteur était réservé à l'immigration chinoise.
Cette spécialisation française remonte au moins à 1882, plus de vingt ans avant l'arrivée de nos Chaix. A cette date, des gens ordinaires de Saint-Bonnet travaillaient dans des blanchisseries d'Oakland et de San Francisco ("Frisco" comme on disait) pour 100 francs par mois. Précisons que ce salaire est alors quatre fois supérieur ç un salaire moyen perçu en France! Mais les conditions de travail y sont très dures: "Je vous écris la nuit", raconte un jeune de Saint-Bonnet à sa famille restée au pays. "Le dimanche, nous n'avons pas plus de temps que la semaine dans les blanchisseries (...) ; malgré tout, je ne suis pas mécontent." ("L'Emigration des...", cf. Bibliographie)
De toute évidence, la Lace French Laundry prospère et doit faire appel à de nouveaux bras. Dans un courrier, Léon informe son frère Auguste, resté à Montgardin, qu'un travail l'attend à Oakland.

Nouvelle arrivée. Auguste n'hésite pas longtemps. Il est célibataire, a 28 ans, vit à Montgardin de son travail de cultivateur. L'aventure l'appelle à son tour. Il prend à ses frais le Bretagne le 28 février et débarque à New York le 5 mars 1907 avec 50 dollars en poche. Son voyage nous permet de mieux le visualiser: cheveux châtains (light brown), yeux marrons (brown), 1,60 mètres (5 feet 3 inches). Aussitôt il rejoint son frère et sa belle-sœur à Oakland et travaille avec eux. Le nom de la compagnie va changer. Elle devient le Palace Laundry. Les deux frères sont visiblement associés. Marie cesse son travail et va se consacrer à ses nouveaux enfants. Il n'est pas possible de déterminer si Auguste s'est marié et a eu des enfants. On perd sa trace après 1910. De toute évidence, pourtant, il passera sa vie en Californie et décèdera le 30 octobre 1958 à San Francisco.

En tant que travailleur, il bénéficiait de la Sécurité Sociale et possédait le numéro 552-09-4880.

Léon et Marie Chaix, eux, déménagent souvent: en 1910, ils vivent au 805, Franklin Street; l'année suivante, nous les retrouvons au 835 (ou au 859), 29th Street. En 1915, ils habitent au 2739, San Pablo Avenue (renseignements fournis par Steven Lavoie, de l'association Oakland Heritage Alliance).

Dans cet intervalle, ils donnent naissance en quelques années à onze autres enfants (sept garçons et quatre filles) (les prénoms des enfants probablement toujours vivants ont été réduits à leurs initiales) :

Louis Chaix, né le 22 avril 1908 ou 1909 à Alameda, décédé le 17 novembre 1974 à Alameda. Le choix du prénom de ce premier-né n'est sans doute pas innocent. Il rappelle le grand-père, resté au pays.

Rose Chaix, naissance et décès inconnus. Avait 10 ans en 1920.

Jeanne Chaix, naissance et décès inconnus. Avait 8 ans en 1920.

Raymond A. Chaix, né le 2 ou le 3 juin 1914 à Alameda, décédé le 18 mai 1961 à Alameda.

Roger C. (ou E.) Chaix, né le 26 juin 1916 à Alameda, décédé le 7 mai 1991 à San Francisco.

Claire Chaix, née le 18 décembre 1917 à Alameda, décédée le 9 avril 1984 à Alameda.

C. M. Chaix, née le 30 septembre 1919. Probablement toujours vivante.

George Adrian Chaix, né le 21 avril 1922 à Alameda, décédé le 13 octobre 1993 à Alameda.

Paul Edward Chaix, né le 17 avril 1923 à Alameda, décédé le 8 novembre 1990 à Alameda.

Ernest August Chaix, né le 2 juillet 1925 à Alameda, décédé le 23 novembre 1994 à Fresno (Californie).

M. A. Chaix, né le 1er avril 1927 à Alameda. Probablement toujours vivant.

En 1920, tous ces enfants savaient lire et écrire, à l'exception de Jeanne, Raymond, Roger, Claire et C. M. Tous parlaient anglais à l'exception évidement des enfants en bas âge. Louis, Rose et Jeanne étaient scolarisés. Pour l'anecdote, la plupart des garçons, lors de la Seconde Guerre Mondiale, combattirent sur le sol français et se rendirent dans les Hautes-Alpes pour y saluer la famille.
En 1917 et 1920, Léon et Marie quittaient Oakland, tout en y travaillant toujours, pour la ville voisine d'Alameda (à l'adresse de Pacific Avenue), toujours comme locataires. Le 19 janvier 1915, leurs deux premières filles, Marcelle et Yvonne, restées en France, arrivèrent à Ellis Island par le Touraine, puis à Oakland; elles avaient environ onze ans à l'époque. On peut supposer que d'autres émigrants venant de Rabou les accompagnaient.
Marcelle, 16 ans en 1920, aidait son père à la blanchisserie.
En 1922, la famille vivait au 2061, Encinal Avenue, dans le centre d'Alameda.

Une rupture. Un événement important mérite d'être signalé. Le recensement de 1930 donne à Léon l'adresse du 2525, Lincoln Avenue, à Alameda. Or, Marie vit toujours au 2061, Encinal Avenue, sous le nom de "Mrs. Marie Chaix". En 1933, on apprend que Léon vit toujours à Lincoln Avenue, avec une femme prénommée Nell. Certes, on peut croire que Léon et Nell s'étaient mariés, vu la façon dont leur nom sont associés sur le recensement, mais il est plus probable d'envisager un concubinage. Toujours est-il que Léon travaille toujours à sa blanchisserie avec plusieurs de ses enfants. Comment ceux-ci vivent-ils cette situation nouvelle au jour le jour? Cette séparation dura jusqu'à 1937 au moins. Les archives de 1941 indiquent que Léon était retourné vivre avec Marie sur Encinal Avenue.
Ce rapprochement ne dura probablement pas bien longtemps. En 1947, le premier annuaire téléphonique indiquait "Mrs Marie Chaix, 2061 Encinal, Alameda". De toute évidence, Léon n'était plus là. Était-il retourné avec Nell? Ou bien était-il parti plus loin, à Napa, par exemple?
Pourquoi Napa? Outre le fait qu'une importante communauté française, et notamment de Chaix, y était basée (comme nous l'avons vu à la page précédente) il se trouve que Léon Louis Chaix mourut à Napa en 1955.
En 1960, Marie vivait toujours à Alameda.


Naissance d'une famille américaine.

Le français a cessé d'être parlé dans la famille Chaix et, aujourd'hui, les prénoms sont complètement américains, à l'inverse des efforts du couple Chaix-Michel pour donner des prénoms français à leurs enfants. Leur patronyme reste pourtant français et leur rappellera leurs origines gapençaises.
Le 30 janvier 1955, Léon Louis Chaix, le Montgardinois, décédait à Napa (Californie), à plus de 78 ans, et sa femme, Marie, fille de Pierre Michel, née dans les Hautes-Alpes à Rabou, s'éteignait le 7 janvier 1967 à Alameda, à l'âge de 81 ans. Une page d'histoire se tournait...

 


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Quelques livres à lire concernant l'émigration des Champsaurins en Amérique:
"L'Émigration des Champsaurins en Amérique, 1850-1914", Jean-Pierre Eyraud, Marie Hugues, éd. Connaissance du Champsaur, Gap, 1987.
"Le Western champsaurin", F. et M. Barès, plusieurs tomes, Gap.

Remerciements à M. Steve Totheroh de Californie, descendant de Chaix des Hautes-Alpes, concernant sa disponibilité et ses recherches dans les recensements américains.

Note: 

* Décédé le 26 septembre 1945 à Alameda, Californie. Emile Chaix a d'ailleurs développé une entreprise aux États-Unis. Une image d'archive représente cet établissement, à Santa Clarita.

 

** Dix naissances d'enfants Chaix à Napa entre 1886 et 1901 : Elizabeth Madeline (Magdeleine ?) en 1886, Jean Antoni (Antoine ?) en 1887, Adolphe Francis en 1888, Victor Edward (Edouard ?) en 1891, Léon Georges le 14 janvier 1893 (Léon Georges décède le 5 février 1949 à San Francisco), Adèle Louise en 1894, Antoni (Antoine ?) Alfred en 1896, Eugène Louis le 21 septembre 1899 (Eugène Louis décède le 25 octobre 1972 à San Mateo, Californie), Jean en 1899 et Marie Terresa en 1901.

 

*** Entre 1900 et 1924, dix-huit personnes portant le nom Chaix et originaires de la région de Gap débarquèrent à Ellis Island, candidats à l'immigration

 

 

Source : merci à GénéProvence -2011 - 10ème année

pour vous connecter sur leur site : http://www.geneprovence.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En quoi ces quatre personnes me sont-elles liées?
Pierre Michel eut deux filles, Léonie (née en 1881) et Marie (née en 1885). Léonie est la mère de Berthe Fernande Chaix (née en 1906), elle-même mère de Monique Arduin (née en 1930), ma mère. Léon Chaix, lui, était le frère de Pierre Chaix, mari de Léonie Michel. Il avait aussi pour frère Auguste Fidèle Chaix. Tous les Michel étaient de Rabou, les Chaix, de Montgardin.

RABOU.jpg

Rabou (Hautes-Alpes). C'est de là que partirent les quatre aventuriers.
(© J. M. Desbois)
 

 

 
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